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Madras

DANS LA FOURNAISE DE MADRAS


L'avion qui m'emmène vers la côte orientale survole bientôt l'État de Madras. Que cette région est verte! A travers le hublot moutonnent des collines couvertes d'un manteau de verdure jusqu'à leur sommet. A l'approche des côtes, se multiplient les canaux lumineux, les cocoteraies aux teintes acides, les rizières innombrables, rectangles de ciel insérés dans le vert des prairies. Madras est une cité immense, la quatrième de l'Inde, et j'ai l'impression de débarquer dans une fournaise. C'est, je crois, la région la plus chaude du pays. La moindre promenade dans les rues devient vite un supplice et je n'éprouve bientôt qu'un désir : quitter l'enfer du trottoir pour retrouver la fraîcheur de ma chambre climatisée... L'atmosphère est-elle parfois plus fraîche à Madras ? On m'affirme qu'elle varie et que, selon les saisons, le climat présente trois variantes. Il peut être hot, hotter et hottest.

Une cité intacte.


Mais la ville de Madras et sa province possèdent sur les autres régions de l'Inde un immense avantage. Les invasions des armées qui dévastèrent le pays au cours des siècles ne sont jamais parvenues jusqu'à l'extrême-sud du territoire. Aussi l'État de Madras a-t-il conservé intacts les souvenirs du passé et la ville même n'a pas connu les déprédations successives qui défigurèrent tant d'autres métropoles. Les rues sont ici bordées de vieilles demeures coloniales et les monuments qui les jalonnent sont tous admirablement conservés : l'église Sainte-Marie, la plus ancienne église anglicane d'Asie, la cathédrale romaine de San Thome édifiée par les Portugais en 1504 et plusieurs temples hindous vieux de dix siècles. Le fort Saint-Georges construit en 1653 permit aux Anglais de contrôler la ville jusqu'à nos jours, sauf pendant deux ans, de 1746, époque à laquelle Dupleix conquit la cité, jusqu'en 1748, date à laquelle il la perdit... Dans les rues s'impose le mouvement, la couleur des villes du Sud. Les saris se drapent différemment et les hommes négligeant le dhoti blanc du Nord adoptent souvent le lungis coloré qui rappelle un peu le paréo polysésien... L'orgueil des habitants de Madras, c'est la Marina, la splendide promenade qui longe la plage, « la deuxième du monde », m'affirme-t-on (sans jamais me préciser quelle est la première...) Cette deuxième plage du monde est d'ailleurs quasi déserte et balayée par le vent. Les requins qui pullulent interdisent toute baignade aux gens prudents. Si elle est la deuxième du monde, c'est par sa dimension : elle mesure treize kilomètres. Quant à la route côtière bordée d'arbres, elle est beaucoup moins belle, rassurons-nous, que la Promenade des Anglais à Nice. Et pourtant la végétation est exubérante à Madras! Pour en être convaincu, il suffit de gagner dans le quartier d'Adyar, le siège mondial de la Société Théosophique qui réunit, une fois par an, tous les théosophes du monde... On y trouve un banian centenaire qui étend si loin ses branches tentaculaires que cinq cents personnes peuvent aisément s'y mettre à l'abri. La côte du Malabar, basse et battue par les vents n'offrant aucun port naturel, Madras dut longtemps se ravitailler et exporter ses produits par le port de Cochin. On a construit à la fin du siècle dernier un port artificiel qui est une véritable source de vie pour la grande cité. Madras est la capitale de la danse. J'ai été rendre visite au petit chef-d'oeuvre que recèle le Musée National : la statuette de Nataraja mondialement célèbre. Elle date du Xe siècle. C'est un petit bronze de soixante centimètres tout à fait extraordinaire. Il représente Siva dansant. Le dieu, selon la technique hindoue, est muni de quatre bras si parfaitement ajustés que la silhouette semble s'animer d'un mouvement constant. Bras et jambes sont d'un modelé parfait. Seul le visage, large, plat, peu expressif soutenu par un cou de tau-reau, détonne. Mais ce manque d'expression, c'est le masque impassible des danseurs classiques. Seuls compte le langage des membres, des mains, vers lesquels doivent converger les regards...

Mahabalipuram.

Pour visiter la région une agence me dépêche un guide parlant français. Nous partons en voiture, mais je m'aperçois avec étonnement que mon cicérone s'exprime en allemand! Je lui fais part de ma surprise. La France et l'Allemagne sont deux pays voisins, me dit-il. Ce doit être à peu près la même langue! Heureusement il baragouine aussi l'anglais... La voiture nous mène vers Mahabalipuram, à vingt kilo-mètres de la ville. Là furent édifiées les Sept Pagodes. C'est un ensemble architectural d'une richesse prodigieuse. Tout est beau. On trouve des temples monolithiques datant des vile et ville siècles après J.-C. des sanctuaires pyramidaux comme ceux de Mysore et des temples sculptés en forme de chariots géants. Le Mahispasura Mandapam, taillé à même le roc, recèle de merveilleux bas-reliefs. On y voit, entre autres, Vishnou endormi dans les replis d'un serpent et la déesse Durga chevauchant un lion. Mais le bas-relief le plus extraordinaire le plus grand du monde c'est la fameusepénitence d'Arjuna , sculptée à même le flanc vertical d'un énorme rocher. Elle mesure neuf mètres de haut, vingt-sept de large et raconte de façon très vivante la descente sur terre du Gange, fleuve sacré, et la joie des habitants qui l'accueillent. L'un des éléphants sculptés dépasse cinq mètres.


Les ennuis de la Metro Goldwin Mayer.

Une foule insolite s'est rassemblée autour du temple des Cinq-Chariots. La Metro Goldwin Mayer y tourne un film « Maya » et les techniciens s'efforcent de faire manoeuvrer un gros éléphant gris et un petit éléphant peint en blanc. Il faut répéter la scène maintes fois et la foule qui suit le spectacle s'amuse beaucoup des difficultés et des colères du metteur en scène. Les cornacs indiens cachés derrière les parois du temple agissent en coulisse et appellent leurs bêtes à l'instant précis où elles doivent s'avancer dans le champ de la caméra. Un jeune garçon en blue-jean accourt à son tour et, ô merveille, découvre l'éléphant blanc de la légende... Mais au moment crucial, l'éléphant sacré s'oublie sur les dalles, déclenche l'hilarité et il faut tout recommencer! Le plus séduisant, c'est probablement le temple du Rivage construit au bord de l'océan. Une série de taureaux, taillés dans le roc, le protège. Il date du vite siècle et ses proportions en font un charmant sanctuaire. Il se dresse sur un promontoire et se détache admirablement sur le ciel et la mer d'un bleu profond. Des femmes en sari s'y promènent et gravissent lentement les degrés. On dit que sept temples semblables furent édifiés sur la côte et que la mer les a finalement détruits. Mais les recherches effectuées n'ont rien donné. Est-ce une légende ? Il fait si chaud que je ne résiste pas au plaisir de plonger dans l'océan. Les vagues sont très fortes, les rouleaux apportent des flots de sable gris et je suis seul. En sortant de l'eau, un pêcheur me fait comprendre que les requins abondent dans les parages... Mais je n'ai rien vu. On ne peut regagner Madras sans jeter un coup d'oeil sur Kanchipuram, la ville dorée. On l'appelle la ville des mille temples... Cette cité sainte, qu'on nomme aussi la « Bénarès du Sud «, est consacrée à la fois à Vishnou et à Siva, ce qui multiplie les fidèles qui s'y rendent en pèlerinage. J'ai demandé à mon guide s'il existait vraiment mille temples à Kanchipuram... Autrefois peut-être. Aujourd'hui on n'en dénombre que cent vingt-quatre.


Dans un théâtre indien.


Revenu dans la moiteur de Madras, j'ai voulu m'initier à la chorégraphie hindoue. Chaque soir les journaux annoncent ballets et exhibitions variées et j'opte pour le récital donné par une petite fille dont la presse dit le plus grand bien Kumari Sheila. Elle se produit dans une exhibition de Bharata Natyam, la danse du Sud. J'arrive à 18 heures dans un théâtre assez vaste mais peu confortable. Il fait si chaud que les portes donnant sur la rue resteront ouvertes pendant toute la soirée. D'énormes ventilateurs brassent l'air. Les spectateurs sont déjà nombreux et le chatoiement des saris sur les gradins est un émerveillement. Avec une demi-heure de retard la salle s'éteint. Des projecteurs inondent la scène (pas de rideau) tandis que cinq ou six musiciens traversent le plateau et s'assoient sur le plancher. Ils attaquent. Alors apparaît dans le fond une petite fille portant du linge de maison d'une douzaine d'années. Elles s'avance en se déhanchant curieusement, scandant sa progression de coups de talon sur le sol. Des clochettes d'argent montées sur des bracelets de cuir entourent ses chevilles et résonnent en cadence à chaque pas. Les violonistes, assis en tailleur, appuient tout en jouant l'extrémité de l'instrument sur leur pied nu. La musique ondule parfois d'étrange façon mais un joueur de cymbale maintient le rythme.

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